Les oiseaux victimes du réchauffement climatique et des pesticides
En France, les espèces des milieux urbains et agricoles ont perdu près du tiers de leurs effectifs en 30 ans, selon un bilan publié ce lundi. Les « généralistes » comme les pigeons s'en sortent bien mieux.
Ils sont deux fois plus nombreux qu'il y a vingt ans. Face au réchauffement climatique, à l'agriculture intensive, à l'urbanisation, en France, les pigeons ramiers se portent comme un charme. Cette espèce emblématique est en très forte expansion, selon un bilan présenté ce lundi par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), le Muséum national d'Histoire naturelle et l'Office français de la biodiversité (OFB).
Leur secret ? « Il semble que ce soit lié au développement d'une population sédentaire, phénomène attribué aux modifications des pratiques agricoles -augmentation des surfaces en maïs, tournesol et colza notamment- et certainement favorisé par la succession d'hivers doux », expliquent les spécialistes. « C'est une espèce aussi à l'aise en ville qu'en milieu agricole. L'Ile-de-France est un de ses bastions dans notre pays ».
Uniformisation et banalisation
A leur côté, les geais des chênes, la mésange bleue ou le pinson des arbres s'en sortent aussi relativement bien. Mais ces espèces qualifiées de « généralistes » sont les seules à avoir augmenté au cours des trois dernières décennies. Les autres, les « spécialistes », régressent.
Biodiversité : l'inquiétante dégradation des grands sites humides
Un phénomène bien connu des écologues, qui « se retrouve dans le monde entier, dans beaucoup de groupes animaux et végétaux », souligne ce bilan de l'état de santé des populations d'oiseaux communs réalisé grâce à des dispositifs de suivi effectués par un réseau d'observateurs bénévoles à travers tout le pays. Pour les experts, il s'agit « d'une uniformisation des faunes, et c'est le signe d'une banalisation croissante des habitats, et donc de la perte de diversité portée par les espèces spécialistes ».
Moins de ressources disponibles
Le déclin est très vif chez les oiseaux des milieux bâtis, ceux qui se reproduisent dans les villes ou les villages (-27,6 % entre 1989 et 2019). Parmi les hypothèses évoquées, on cite la transformation des bâtiments et la rénovation des façades « qui détruisent les cavités dans lesquelles nichent certaines espèces », mais aussi l'artificialisation toujours plus forte des milieux urbains et la pollution due aux transports et à l'activité industrielle qui affecte la santé des oiseaux.
Et la situation est pire encore pour les espèces des milieux agricoles qui accusent une « diminution drastique » de 29,5 % en trente ans. Les suivis n'ont pas été conçus pour en établir les causes, mais le rapport avance là aussi des « hypothèses explicatives », et des causes « à chercher dans l'intensification de l'agriculture, en premier lieu l'utilisation des pesticides, et en particulier les néonicotinoïdes ». Celle-ci diminue les ressources dont les oiseaux ont besoin pour se nourrir, comme les insectes et les graines.
Que ce soit de la nourriture ou des habitats favorables pour s'abriter ou se reproduire , la baisse des ressources disponibles apparaît donc comme la principale raison du déclin de certaines populations d'oiseaux communs dans le pays, insistent les auteurs de ce bilan sur trente ans qu'ils jugent eux-mêmes « contrasté ». Ils appellent à agir plus fortement sur les pesticides ou encore l'artificialisation des sols.